Entre-temps, l’Infinitive a obtenu un (très mérité) prix Kindle au salon du livre de Paris 2016 et, de premier roman en auto-édition, débute un beau chemin de succès d’estime. En attendant mieux…
Présentation de l’éditeur
« Alma, prof de musique rêveuse et flegmatique, fait un jour la connaissance de son idole: le célèbre chanteur Konrad Fisher. Et ce n’est que le début d’une série de rencontres qui transformeront « l’infinitive » en jeune femme accomplie. Un itinéraire où se mêlent amour, arts et contemplation. »
A quel âge as-tu commencé à écrire ?
Tu écris avec un stylo et du papier ou bien avec un clavier ?
Il me faut les deux. J’aime l’écriture à la main, l’application qu’il faut pour former de jolies lettres, que ce soit beau visuellement. Donc j’écris autant pour le fond que pour la forme! haha.
Après, en tapant mes notes à l’ordinateur, je retravaille en complétant ou en nettoyant mes phrases.
Mais c’est sûr que c’est un peu plus contraignant.
Je travaille avec des feuilles d’imprimante A4. Les carnets (que je collectionne: j’en ai une dizaine d’entamés) c’est plus pour les idées en vrac. Et quand je sèche un peu sur les rebondissements, je relis tout ça sans ordre et ça repart.
As-tu une discipline particulière ou bien laisses-tu libre cours à ton inspiration ?
L’inspiration c’est compliqué. Ça ne vient pas forcément au bon moment. Et puis la vie prend tellement de place qu’on pourrait tout le temps se dire qu’on n’a pas suffisamment d’idées pour s’y mettre. Alors oui: discipline obligatoire pour moi. Je me force un peu à me poser, pour réfléchir, toute seule. Je ne sais jamais où ça va m’amener, c’est ça qui est excitant. Et je suis sûre que si je le faisais plus souvent, j’écrirais davantage, ou plus vite en tout cas.
Combien de temps as-tu porté ton projet ?
Ce premier roman, il a existé sous trois versions différentes dans ma tête pendant sept ans. Je crois que c’était un peu trop intimidant, un projet pareil. Je ne suis même pas sûre d’avoir formulé ça comme ça: « je vais écrire un roman ». Il était là, et il n’y avait plus qu’à l’écrire.
Ça a duré sept ans, parce qu’entre-temps, j’ai repris mes études et je suis devenue prof de Lettres. J’ai eu besoin de ce patronage, il faut croire. Je ne pensais pas revenir à l’écriture de fiction, mais quand c’est là, ça ne te laisse pas tranquille de toute façon.
Comment gères-tu les questions de tes élèves ou de tes proches ?
En général, les gens veulent savoir ce qui est autobiographique.
Mes proches ne me posent aucune question. Ils savent ce qui est vrai ou romancé, à chaque page ou presque.
Après, mes élèves… ça c’est autre chose. Ils ont peur d’être intrusifs, mais ceux qui osent demander veulent savoir qui est Konrad Fisher dans ma vraie vie. Malheureusement je ne peux pas le nommer, ce qui est frustrant pour ces petits curieux! Mais c’est un auteur que j’admire profondément, et jusqu’à la balade dans Paris (dans le 1er chapitre), presque tout est vrai. Après je me suis beaucoup amusée à déployer cette rencontre grâce à la fiction. D’ailleurs c’est cet auteur qui m’a encouragée à me remettre vraiment à écrire.
Quelles sont tes influences en littérature ? en musique ?
J’ai une grande passion pour Gide. Mais il y en a tellement d’autres… J’aime les auteurs romantiques, mais aussi Wilde, Kundera, Balzac… il n’y a pas spécialement de fil directeur entre mes goûts.
En musique c’est pareil. Je marche à la chair de poule. Tous genres confondus (ça peut aller de Patrice à Ibrahim Maalouf en passant par The XX, ou encore Chopin mon grand Amour). Je ne ferme la porte à rien, et je m’attends à chaque fois à être envahie d’émotions. Et quand « ça le fait », je peux écouter le même morceau en repeat jusqu’à l’overdose! (haha)
Quelle est la part de tes émotions personnelles dans les émotions d’Alma ?
Elle est énorme, bien-sûr. Alma a beaucoup de moi, puisque les idées et ressentis du personnage, c’est moi qui les ai imaginés… mais parmi les thèmes qui me tiennent le plus à coeur, je dirais: sa solitude choisie (qui est un fantasme dans la vie réelle), sa recherche d’un moyen d’expression satisfaisant et sa crainte de se lancer dans des projets artistiques trop grands pour elle.
Mais comme Alma est un personnage de fiction, j’adapte ces thèmes à sa vie et à sa situation (différentes des miennes). Donc pour mixer les deux, je me calque sur elle en me demandant: « qu’est-ce que je ferais/ressentirais si… » et ça déploie mon imagination.
Les voyages semblent tenir une place importante dans tes pages ?
Oui. J’ai découvert le plaisir de voyager il n’y a pas si longtemps. Je viens du sud, donc les vacances, ça se passait en général chez moi au bord de la mer.
Le passage en Grèce, dans le livre, est né de mon émerveillement. Je l’ai écrit un an après un séjour à Santorin. Comme Alma, j’ai le goût de la contemplation, et ça m’aide à retranscrire ce que je vois et ce que je sens quand je suis à l’étranger. Je n’ai pas besoin de surcharger mon planning pour avoir l’impression de plus en profiter.
As-tu aidé Alma à vivre sa vie? ou bien est-ce Alma qui t’a aidé à vivre la tienne?
Les deux. (Facile! haha) Ce roman, c’est un peu la mise en abyme de ma naissance à l’écriture. Alma et moi, on s’est tenu la main dans cette aventure. C’est une sorte de double. Ce que j’ai envisagé pour elle dans les moments difficiles, je me suis aperçue que c’était bon pour moi aussi. Elle m’a offert un miroir pour faire le point sur mes doutes, mes failles mais aussi mes besoins.
Une anecdote: c’est grâce à elle que je me suis décidée à aller me décharger chez un psy. Je n’y avais jamais pensé avant de l’y envoyer. (On est toujours plus lucide pour les autres).
Que signifie ce titre L’Infinitive ?
L’infinitive, c’est un mot qui me trottait dans la tête depuis très longtemps, mais jusqu’à la fin de l’écriture, je ne savais pas que ce serait le titre. Ça vient de l’infinitif, la forme verbale: l’idée de point de départ de tous les possibles (le verbe à l’infinitif, c’est celui qui peut être conjugué de toutes les manières).
L’Infinitive c’est Alma, une jeune femme qui attend de trouver une forme (artistique) qui lui convienne, et qui va se révéler au fil des rencontres et des hasards.
Je trouvais ça assez central dans son caractère. Et d’ailleurs, j’ai eu l’idée de ce roman il a des années en rencontrant une phrase d’Eluard qui a fait « tilt »: » Nous naissons de partout, nous sommes sans limites ». C’est ça que j’ai voulu illustrer: les transformations de l’Homme. J’aime beaucoup ce thème, c’est plein d’espoir je trouve. Le fait que rien ne soit totalement figé dans nos existences. J’ai toujours eu besoin de ça, c’est une sorte de mantra chez moi.